Par Thibault Lanta
Hermann Joha a 47 ans. Ancien cascadeur, véritable autodidacte, il dirige aujourd'hui le studio allemand Action Concept, un des plus réputés au monde en matière de cascades.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis le fondateur et le directeur de Action Concept et aussi pilote d’hélicoptère professionnel.
Pouvez-vous nous présenter votre société ?
Action Concept est l’un des plus gros studios de production au monde spécialisé dans les formats d’action. Les différentes branches de la société sont concentrées sur 25 000 mètres carrés à Huerth, près de Cologne. Le département du développement, qui comprend le scénario et les cascades, les bureaux de production, les studios, les équipements techniques, la post-production et tous les studios sons et effets spéciaux sont centralisés ici.
Les cascades de première classe sont planifiées et exécutées par une équipe bien établie. Il s’agit d’envoyer des camions citernes caréner sur des ponts, de chorégraphier de grosses poursuites automobiles, des collisions frontales, et même – grâce à une petite fusée d’azote liquide remplie de combustible – de catapulter des voitures assez haut dans les airs pour passer au-dessus d’un hélicoptère.
Pour saisir l’action du meilleur angle possible, nous utilisons jusqu’à 30 caméras simultanément. Les prises de vue de l’habitacle des véhicules montrent ce que voit le conducteur. Et les caméras protégées par des boîtiers spéciaux pour résister aux accidents plongent le spectateur au cœur de l’action, comme s’il était au milieu de la scène. Les caméras principales, elles, se concentrent sur le tableau d’ensemble.
Les studios sons tirent profit des différentes architectures et captures sonores pour produire des bandes-son d’action les plus abouties et une bonne synchronisation avec les séquences de dialogues. Pour le montage, nous nous appuyons sur la dernière technologie développée par Avid. Le département des effets spéciaux travaille selon les normes internationales de tous les studios de production de cinéma. Des images de foule sont crées à partir d’images de synthèse via des duplications, des animations en 3D et des prolongements de décors sont aussi utilisés grâce à la technologie de l’écran vert (de vrais acteurs jouent sur un plateau numérique).
L’industrie américaine des cascades, aussi, a pris connaissance de notre équipe. Depuis trois ans, chaque année, nous avons reçu le « Taurus mondial de la meilleure cascade ». Ces prix prestigieux sont un peu comme les Oscars de la cascade pour l’industrie du cinéma et de la télévision. Il se tient chaque année à Los Angeles durant une cérémonie où l’on retrouve les stars de blockbusters et leurs doublures
Vous accueillez depuis l’année dernière une série d’ateliers d’écriture (NDLR : The German Writers Room). Pouvez-vous nous expliquer comment tout cela s’est monté ?
Pour ces ateliers, nous avons collaborés avec quelques-uns des meilleurs showrunners des Etats-Unis qui sont venus participer : Lee Goldberg (Monk, Diagnostic Meurtre, Alerte à Malibu), William Finkelstein (New York District, La loi de Los Angeles, NYPD Blue), Bryce Zabel (Pademic, Blackbeard) et Matt Witten (Dr. House, Les Experts : Miami)
Quel était votre but premier pour ces semaines de travail avec ces scénaristes américains ?
D’abord trouver l’inspiration. Développer de nouvelles idées et apprendre à adapter notre travail en équipe à des méthodes de montage d’histoires extraordinaires très rapides et pragmatiques
Combien de scénaristes ont participé à ces ateliers ?
Vous comprendrez que nous ne pouvons pas en valoriser un plus qu’un autre. Mais cela dit, sur les trois premiers ateliers, en juillet et octobre 2006 puis en janvier 2007, il étaient entre 12 et 15 à chaque fois
Comment se sont déroulées ces sessions ?
Le travail en atelier d’écriture est très dur. C’est beaucoup de travail pour tout le monde. Il y a une limite de temps d’une semaine pour apprendre, mais aussi créer et développer de nouvelles idées. Donc tout le monde utilise au maximum chaque minute disponible de ce travail en commun… comme nous le faisons toujours par ailleurs
Comment étaient vos relations avec les scénaristes américains ?
Tout s’est très bien passé. Nous étions très heureux de surtout très fiers de confirmer leur présence à ces ateliers. Leurs noms sont très reconnus dans les cercles télévisuels.
Que doit apprendre la production allemande du modèle américain ?
La plus grande différence est la réalisation. Dans la vision américaine, les projets de nouvelle série se développent en quelques mois. Chez nous, il faut au moins un an.
Quel est le meilleur atout de la production allemande ?
Notre principal atout reste la production de cascades et d’histoires de première classe. Ce haut niveau d’action est d’ordinaire seulement « réservé » aux productions internationales de cinéma
Durant votre carrière, vous avez presque travaillé dans tous les métiers de la production. À 47 ans, quelle est encore pour vous la partie de votre travail qui vous motive le plus ?
J’ai eu la chance et le privilège de faire de mes rêves une réalité. J’ai commencé par devenir cascadeur, j’ai poursuivi en devenant réalisateur, homme d’affaires et pilote d’hélicoptère professionnel. De mon point de vue, chaque jour est excitant
Vous recherchez désormais des « grandes histoires et des grands personnages ». Pouvez-vous nous parler de certains projets en cours qui sont sur votre bureau ?
Il y a plusieurs films, des coproductions internationales et aussi quelques séries sur mon bureau. Mais vu que nous sommes un studio spécialisé dans l’action, tous ces projets seront liés à de grandes histoires avec des cascades et beaucoup d’action
Quelle est votre série préférée en ce moment ?
Alerte Cobra évidemment ! (ndlr : une des séries phare produites par Action Concept, qui dure depuis 1996 et qui en est à sa 21e saison)
Est-ce que vous connaissez certaines séries ou miniséries françaises ?
Mon français est malheureusement rudimentaire. J’ai besoin des sous-titres pour vraiment bien suivre une série française. J’aime beaucoup les miniséries historiques, comme Le Comte de Monte Cristo. Bien sûr, je suis un grand fan des films d’action français, et notamment de Yamakasi.