Nicolas Durand-Zouky : "Une fibre romanesque"

Ce scénariste de 35 ans est le créateur de Disparitions. Il revient sur les conditions particulières de fabrication de cette saga policière au long cours de France 3.

Avant de donner naissance à Disparitions pour France 3, Nicolas Durand-Zouky avait créé Léa Parker et travaillé sur les séries jeunesse Ma Terminale et Coeur Océan. Il fit aussi partie de la toute première équipe d'auteurs de Plus Belle la Vie. Il nous raconte la génèse de Disparitions et revient sur son rôle de scénariste-directeur artistique.

Comment est né Disparitions ?
C’est une histoire un peu complexe. Christian Charret, le producteur, avait acheté les droits du roman L’Or des Maures, de Jacques Mazeau pour en tirer une série. Jacques Mazeau et Didier Convard ont travaillé sur un pré-projet proposé à France 3. Cette chaîne souhaitait au départ développer la case laissée vacante le week-end par Plus Belle La Vie (PBLV). En proposant les samedi et dimanche à 20 h 20, quelque chose de très différent. Les dirigeants aimaient bien l’univers de ce projet et ont dit aux producteurs de se lancer. Or ce sont des gens que je connaissais très bien : Christian Charret était producteur sur Léa Parker et son co-producteur, Arnaud Figaret, était scénariste sur cette même série. Comme j’avais travaillé sur PBLV, ils savaient que je connaissais bien le format et la chaîne.


Le format était le même que celui de PBLV ?
Ce devait être un 40 x 26 minutes. Avec mes co-scénaristes, on a écrit une arche de 80 pages et une description des personnages sur 40 pages. France 3 a trouvé cela formidable mais avait pris la décision à ce moment-là de ne pas ouvrir sa fameuse case du week-end. Mais souhaitait en revanche lancer une vraie série de prime time. Disparitions est donc devenu un 12 x 52’. En fait, nous avions nous-mêmes le sentiment que ce que nous avions livré correspondait davantage à une série de ce type. Il y avait de fait peu de choses à réajuster. On a réduit la part de soap en enlevant les histoires parallèles des personnages secondaires pour nous concentrer sur l’histoire centrale et les 7 personnages majeurs.

Vous vous êtes beaucoup éloigné du roman original ?
Déjà dans le pré-projet, Didier Convard et Jacques Mazeau avaient pris de grosses libertés. Nous avons fini de nous en éloigner. Quelqu’un qui lirait le roman après avoir vu la série ne s’y retrouverait pas. D’ailleurs Didier Convard et Jacques Mazeau ont tiré de la série une novellisation qui ne lui ressemble pas du tout. On en a essentiellement gardé le personnage d’Antoine Deslambre, en le dotant d’un passé.

De vos expériences sur Léa Parker, en séries jeunesse et sur PBLV, qu’avez-vous tiré pour Disparitions ?
J’avais dès le départ une fibre pour le romanesque et les belles histoires. Mais j’ai puisé dans Léa Parker le sens de la structure, dans PBLV le côté soap et dans Ma Terminale et Cœur Océan des envies d’aller fouiller l’âme humaine. Mais si j’ai bossé sur ces séries-là, c’est que ça me plaisait au départ, tout ça. J’ai en revanche aussi puisé des techniques dans ces expériences. J’ai pris la direction d’une série quand j’ai été mûr pour le faire, pas seulement en âge mais aussi en expérience : organiser une équipe d’écriture faite de personnalités et d’egos différents, la diriger comme un chef d’orchestre...

Fabriquer un 12 x 52’, c’est une grosse machine. En termes artistiques comment avez-vous réussi à conserver la main sur le projet pour que vos ambitions ne se diluent pas ?
En plus de l’écriture, on m’a aussi confié la direction artistique. En France, nous n’avons pas vraiment de showrunners. Les étapes sont morcelées, scénaristes et réalisateurs font tout dans leur coin et tant mieux si ça prend. Malheureusement, ça n’est pas toujours le cas. Or sur des projets de série, il y a des risques de déperdition sur l’artistique en cours de route. Exemple : pour le QG des flics de Disparitions, on voulait quelque chose de différent des SRPJ et commissariats qu’on croise partout. On voulait un huis-clos. Quand le chef décorateur a lu le scénario, il se posait des questions. Il voyait davantage un truc classique. J’ai pu lui expliquer l’importance de l’aspect huis-clos. Ce qui lui a permis de mettre au point cette salle d’interrogatoire dotée d’une vitre sans tain. Dans les séries américaines, la vitre est derrière l’enquêteur pour qu’on puisse surtout voir le suspect et ses réactions. Là, on est de profil pour voir aussi bien les réactions du suspect que celles de l’enquêteur, qui sont aussi importantes dans l’histoire. L’idée de cette vitre, ça ne s’écrit pas forcément. Il faut le dire de vive voix. Et des exemples comme ça il y a en a des tas.


Ca, c’est le boulot des réalisateurs normalement. Faut-il passer avec eux un contrat moral pour que votre rôle soit très clair dès le début ?
On les a choisi en leur expliquant ça dès le début. On leur a très clairement dit que je serai en charge de l’homogénéité et que par conséquent, pour toutes les grandes décisions, il faudrait passer par moi. Et on les a choisi aussi parce qu’ils connaissaient ce genre d’organisation. Parmi les réalisateurs qu’on a rencontrés, certains aimaient l’histoire mais pas ce cadre de travail. Nos réalisateurs [Robin Davis, Bruno Gantillon et Olivier Jamain] avaient eux travaillé sur des séries américaines (Highlander, Sydney Fox) puis sur Léa Parker (qui fonctionnait comme ça avec un producteur détaché). Ils savaient bosser avec un showrunner.

Avec les déclinaisons que France 3 propose (roman, BD), ça ne vous met pas une pression supplémentaire ? La chaîne joue gros, non ?
Oui, France 3 joue gros. Mais ça ne met pas de pression. C’est plutôt excitant, à l’image de la vie de la série sur internet : des sites, des blogs de personnages…

Vous travaillez déjà sur une saison 2. Pour une diffusion dès 2009 ?
On aimerait faire une suite la plus proche possible. On y travaille déjà. Là, en un an et demi, on a pu produire 12 épisodes. Le prochain challenge, c’est de faire ça en un an.

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