Vu à la télé : quand le cinéma copie les séries TV

Les séries TV sont partout, en DVD, sur le net, à la télé bien sûr… mais aussi au cinéma. Ou comment les films recopient sans talent certaines formules. Ou alors, nous avons trop d’imagination.

Les séries TV sont partout, en DVD, sur le net, à la télé bien sûr… mais aussi au cinéma. Ou comment les films recopient sans talent certaines formules. Ou alors, nous avons trop d’imagination.

Par Léo Soesanto

Il est loin le temps où l’on collait deux épisodes de série pour les projeter au cinéma comme « film » – voir Des Agents Très Spéciaux ou L’Homme qui valait Trois Milliards. Depuis, oui, le cinéma irrigue la fiction TV (américaine) à un point que certaines séries sont plus que cinématographiques : Les Soprano, pour une ampleur romanesque peu vue depuis Le Parrain, ou 24, capable, avec son rythme frénétique et deux bouts de ficelles, d’être aussi excitant que n’importe quel Die Hard (on se rappelle d’une planque tendue dans un aéroport de seconde zone dans la saison 5, avec Bauer dans un conduit d’aération et une poignée de terroristes). Les passerelles, les passeurs entre les deux mondes existent (J.J. Abrams, Alan Ball, les séries transposées en film). Chose amusante à présent : le sentiment de déjà vu télévisuel dans certains films. Hollywood copie le petit écran, ou rend plutôt hommage à sa toute puissance. Sans Sarah, Rien ne va se moque ainsi gentiment des procedural façon Les Experts via un faux show éloquemment appelé Crime Scene : Scene of the Crime, avec trois… acteurs de télé, Kristen Bell (Veronica Mars), Jason Segel (HIMYM) et Mila Kunis (That 70's Show).



Plus douteux sont ces films pompant sans vergogne, en mal : au banc des accusés, le thriller. Angles d’Attaque ? 24 + Boomtown (un complot présidentiel selon plusieurs points de vue), avec Matthew Fox perdu dedans. Et pourquoi pas une histoire de flic au-dessus des lois avec Forest Whitaker ? Non, pas The Shield mais Au Bout de la Nuit, avec Keanu Reeves en quart de Vic Mackey pour nettoyer les rues. Le meilleur clin d’œil y est l’apparition de Hugh Laurie en blouse blanche de médecin… mais ce n’était qu’un déguisement de vingt secondes car Laurie est en fait flic. La boucle est définitivement bouclée quand on lit sur la jaquette du DVD de The Sentinel, « si vous aimez 24, vous aimerez The Sentinel » : le film est bien sûr un complot présidentiel avec Kiefer Sutherland en agent super-zélé. Sutherland tellement habité par Jack Bauer qu’il reste même en mode CTU dans le film d’horreur Mirrors où, seul contre tous, il gueule « damn it » ou « ne m’obligez pas à vous faire du mal » à une nonne. C’est très amusant l’intertextualité : dans la bluette vampirique Twilight, l’actrice Kristen Stewart se voit attribuer comme maman une actrice qui lui ressemble vraiment : Sarah « Nina Myers » Clarke. Et la vision de Bad Nina se superpose pendant tout le film. Bientôt peut-être, on trouvera sur la jaquette du DVD du Parrain le conseil « si vous avez aimé Les Soprano… ».

Les Noces Rebelles au cinéma, Mad Men à la télé... Comme un air de ressemblance.

Pour le moment, les films cités (et à venir) sont des réductions de leur modèle – faute du facteur temps pour la floraison des intrigues et personnages. Dans The Sentinel, le traître se révèle mais on ne se souvient plus de quel personnage il s’agit tant il est effacé. Dans Un Jour, Peut-être, un père raconte à sa fille comment il a rencontré sa mère… fait film, l’argument fait gentille comédie romantique. Retardée sur trois saisons de How I Met your mother, l’histoire prend des proportions monstrueuses comme un Shéhérazade mâle étirant une histoire à dormir debout nuit après nuit. Mais après tout, on exagère peut-être et/ou on regarde sûrement trop de films et de séries – il faudra choisir l’un ou l’autre pour sa santé mentale/sociale. Tiens, au cinéma sort le récit d’un obsédé sexuel cynique, qui enfile conquête après conquête et trouve l’amour. Californication ? Non, Choke, adapté d’un roman de l’auteur de Fight Club, Chuck Palhaniuk. Ou ce couple en crise sous la bienséance bourgeoise lisse des 50’s. Mad Men ? Non, Les Noces Rebelles avec Leo Di Caprio et Kate Winslet.

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